La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine a surpris beaucoup de monde. Pourtant, pour ceux qui suivaient certains indicateurs numériques et financiers, ce résultat était loin d’être inattendu. Il était presque connu d’avance. Grâce aux technologies, certains signaux annonçaient ce résultat dès le mois d’octobre. Entre les prédictions de marchés comme Polymarket, les avancées de l’intelligence artificielle, et même les fluctuations du cours du Bitcoin, plusieurs indices permettaient de prédire l’élection de Donald Trump.
Polymarket : le pari de l’opinion collective
Mi-octobre déjà, la plateforme Polymarket – un marché prédictif bien connu – attribuait à Donald Trump un avantage de 60/40 face à sa rivale Kamala Harris. Pour rappel, Polymarket fonctionne comme une bourse de prédictions : les utilisateurs y misent de l’argent sur divers scénarios (résultats électoraux ou autres événements). Leurs analyses et sentiments collectifs créent ainsi un indice basé sur la « sagesse des foules ».
Grâce à ces informations en temps réel, Polymarket reflète les intuitions de millions d’individus. Lorsque l’écart s’est creusé pour Trump sur Polymarket, c’était pour certains un signal clair de la tendance favorable à Trump. L’opinion publique, agrégée et anonymisée, peut être révélatrice. Ici, elle a permis de voir venir le résultat électoral alors que les sondages traditionnels prévoyaient un score très serré.
Certes, il faut tempérer la puissance prédictive de Polymarket sur le sujet Trump. En effet, les paris sur cette plateforme sont effectués en cryptomonnaie, donc par une population sensibilisée et possiblement biaisée par ses attentes électorales. Mais il faut reconnaître que la plateforme avait très tôt anticipé la vague trumpiste, avec une précision chirurgicale.
Bitcoin : l’indicateur économique alternatif
Un autre signal important est venu des marchés financiers, et en particulier du Bitcoin. En 2024, Donald Trump a exprimé son soutien pour Bitcoin. Il s’est notamment rendu à la Bitcoin Conférence de Nashville pendant laquelle il s’est engagé à déréguler le secteur crypto s’il revenait au pouvoir et même à constituer une réserve nationale de Bitcoin pour réduire la dette américaine. Il avait également multiplié les coups de communication autour de Bitcoin, notamment en payant son burger en bitcoins.
Les investisseurs – toujours sensibles aux promesses de dérégulation et de soutien aux cryptos – ont interprété ses déclarations comme un potentiel boost pour l’adoption des cryptomonnaies. Les fluctuations de marché pouvaient être considérées comme des indicateurs indirects de l’opinion publique, surtout lorsque les actifs concernés sont politiquement polarisants.
Anticipant une hausse en cas de victoire de Donald Trump, le cours du Bitcoin était donc un indice précoce du résultat des élections. Or, il se maintenait à un cours très proche de son ATH (plus haut historique) depuis plusieurs semaines.
Modèles prédictifs boostés à l’intelligence artificielle
De nombreux modèles de machine learning analysent en continu des volumes massifs de données pour détecter des tendances faibles. L’IA a la capacité d’analyser le langage, les variations subtiles dans les conversations sur les réseaux sociaux, de capter des signaux émotifs. En croisant ces données avec des historiques électoraux et des indicateurs économiques, certains modèles prédictifs avaient déjà anticipé la victoire de Trump, bien avant le vote.
Ce n’était pas une première. En 2016 déjà, un modèle d’intelligence artificielle avait prévu la victoire de Trump, alors même que les sondages classiques la jugeaient improbable. Huit ans plus tard, les technologies d’IA ont fait un bond spectaculaire. Leurs prédictions sont encore plus précises. Pour cette élection de 2024, sept modèles sur dix donnaient Trump vainqueur, malgré des sondages publics plus mitigés.
Des entreprises comme FiveThirtyEight et 270toWin, spécialisées dans l’analyse de sondages, utilisent désormais l’IA pour affiner leurs prévisions. Ils prennent désormais en compte des éléments subtils que les sondages classiques ne captent pas toujours.
Rachat de X (ex-Twitter) par Elon Musk
Le rachat de Twitter (renommé X) par Elon Musk a joué un rôle évident dans la victoire de Donald Trump. Plusieurs changements stratégiques opérés sur la plateforme l’ont clairement favorisé.
Musk a transformé X en un espace plus favorable aux opinions conservatrices, notamment via la modification de l’algorithme et l’assouplissement de la modération. Musk a également utilisé son propre compte (le plus suivi de la plateforme) pour promouvoir des messages favorables à Trump.
X est devenu une véritable caisse de résonance pour la campagne de Trump et a permis de mobiliser sa base électorale avec une efficacité redoutable, grâce notamment à des messages et des lives amplifiés par le soutien explicite de Musk. Ce dernier lui a également apporté un soutien politique (Dark MAGA) et financier à hauteur de 120 millions de dollars.
Pendant que certains moquaient le milliardaire sur le chiffre d’affaires en baisse de Twitter, Musk s’offrait un Président des États-Unis sur mesure et un poste stratégique dans l’administration américaine.
Ainsi, le rachat de X par Musk pouvait être interprété comme un indicateur précoce de la victoire de Trump. Bien sûr, ce n’est qu’un élément parmi d’autres. Mais, en transformant X en arme de communication politique, Musk a offert à Trump un avantage considérable.
Analyse des données de sentiments
Enfin, les technologies d’analyse de sentiments sur les réseaux sociaux fournissent également des indices prédictifs intéressants. Grâce au Natural Language Processing (NLP), on peut mesurer l’humeur générale envers un candidat en analysant des millions de publications.
Au fil des mois précédant l’élection, les analyses de sentiment ont révélé une tendance croissante de sympathie envers Trump, reflétée dans des posts de plus en plus positifs. Notamment depuis la tentative d’assassinat dont il a été l’objet et qui a en engendré des photos à la tonalité incroyablement héroïque.
Vers une nouvelle ère de prévisions électorales ?
En 2024, la victoire de Trump était évidemment plus redoutée qu’en 2016, néanmoins, pour les technophiles et afficionados du digital, elle était quasi-inévitable. Bien que les médias institutionnels prévoyaient un score historiquement serrés, cette fois-ci, le cygne noir était Kamala Harris.
Avec l’essor des technologies prédictives, nous entrons dans une nouvelle ère où l’opinion publique et les tendances électorales peuvent être observées en temps réel. Ces outils, qu’il s’agisse des modèles entraînés à l’IA ou des marchés prédictifs, pourraient bien transformer la manière de décrypter la politique. Mais ces mécaniques prédictives pourraient aussi influencer l’opinion elle-même.
Si cette élection montre quelque chose, c’est que les signaux économiques et numériques deviennent incontournables quand les sondages et médias traditionnels montrent de plus en plus leurs limites.