La technologie haptique, ou la science du toucher, va transformer notre interaction avec le monde numérique. Alors que l’intelligence artificielle semble avoir envoyé aux oubliettes technologiques le métavers, l’haptique pourrait bien le remettre sur le devant de la scène. En intégrant le sens du toucher aux dispositifs de réalité virtuelle, l’haptique promet de rendre nos expériences digitales bien plus immersives. Cette technologie implique des transformations profondes pour de nombreux secteurs mais pour nos modes de vie et d’interaction avec le réel. Cela soulève d’importantes questions éthiques et philosophiques.
Origine de l’haptique
L’haptique trouve ses racines dans les jeux vidéo. L’un des premiers exemples est le jeu Moto-Cross de Sega, sorti en 1976 (ça remonte un peu oui), où les joueurs pouvaient ressentir le grondement de leur moto à travers des vibrations dans un joystick en forme de guidon de moto.
Depuis, la technologie grand public a peu évolué. En termes de ressenti physique d’événements numériques, on se limite encore à des dispositifs de vibration dans les outils de contrôle. C’est le cas de la manette DualSense de PlayStation qui augmente l’immersion du joueur en vibrant lorsque celui-ci reçoit un choc dans le jeu.
Sans en avoir vraiment conscience, nous interagissons déjà quotidiennement avec des technologies haptiques via nos smartphones. Les vibrations lors de la réception d’un message ou d’un appel en sont de parfaits exemples. Mais le ressenti est resté focus sur la vibration.
Pourtant, si l’utilisation de l’haptique semble avoir peu innové dans son domaine originel, elle trouve aujourd’hui de nombreuses applications prometteuses et une palette de sensations tactiles diversifiées.
Immersion dans les technologies haptiques
L’intégration de l’haptique dans la réalité virtuelle (VR) et augmentée (AR) est en pleine expansion et pousse l’immersion à un niveau supérieur.
Des entreprises comme Meta ont développé des gants haptiques qui reproduisent la sensation de toucher des objets virtuels.
Des combinaisons intégrales comme celles de Teslasuit permettent aux utilisateurs de ressentir des textures, des vibrations et même des températures, rendant les expériences dans le métavers encore plus immersives.
Le métavers a ouvert la voie à des expériences numériques visuelles et auditives beaucoup plus immersives. Et l’haptique joue un rôle central jusqu’à permettre de confondre le virtuel de la réalité.
Bienvenue dans la matrice
Les technologies haptiques permettent de susciter des réponses émotionnelles plus fortes. Par exemple, ressentir le poids d’une arme ou la texture d’un objet peut rendre les expériences virtuelles plus convaincantes et émotionnellement engageantes.
Elles améliorent les perceptions en temps réel en aidant les utilisateurs à mieux comprendre et naviguer dans les environnements virtuels. Par exemple, ressentir une résistance lorsque l’on pousse une porte virtuelle améliore la perception de l’espace. On a ainsi des interactions plus naturelles et intuitives avec les objets virtuels.
Applications de l’haptique
Si l’haptique trouve au départ ses cas d’utilisation pour l’immersion dans le gaming, ses récents progrès lui offrent de nombreuses nouvelles applications dans des domaines variés.
Domaine médical
Le domaine de la santé est sans doute l’un des secteurs qui va profiter des plus profonds bouleversements dans les années à venir. En cause, l’intelligence artificielle bien sûr ; mais aussi l’haptique qui promet de transformer le domaine médical.
Des simulateurs permettent déjà aux chirurgiens de s’entraîner dans des environnements virtuels ultra réalistes, qui leur permettent de perfectionner leur adresse pour des opérations délicates.
Les dispositifs haptiques sont aussi utilisés pour la rééducation des patients. La technologie les aide à retrouver leurs fonctions motrices et leurs sensations tactiles. Des systèmes de gamification – notamment dans le cadre de réalités virtuelles ou augmentées – motivent les patients à participer activement à leur rééducation.
Des dispositifs de gestion du stress sont aussi apparus ces dernières années. Comme les ceintures haptiques peuvent être utilisées pour la relaxation en aidant les utilisateurs à pratiquer des exercices de respiration et de méditation.
Exclusion VS inclusion
À première vue, on pourrait penser que les métavers continuent de creuser la distance paradoxale engendrée par la connexion numérique. Pourtant, les technologies haptiques peuvent devenir un puissant facteur de lien social. Elles, favorisent également la réhabilitation grâce aux prothèses intelligentes.
Ces prothèses équipées de feedback haptique permettent aux patients amputés de retrouver des sensations tactiles, améliorant leur qualité de vie et facilitant leur réintégration sociale.
Domaine industriel
L’haptique trouve aussi de nombreuses applications dans les secteurs industriels où elle permet d’augmenter la précision, la sécurité et l’efficacité des opérations.
Les exosquelettes et simulateurs haptiques aident à la prévention des accidents, tandis que les capteurs haptiques intégrés dans les équipements de protection individuelle fournissent des alertes en temps réel qui peuvent s’avérer particulièrement utiles sur les chaînes de montage ou lors des opérations de maintenance, notamment dans le cadre de la sécurité ou de la conformité de la production.
L’avenir de l’haptique industrielle est prometteur car les interfaces haptiques sans contact et les collaborations homme-robot ouvrent de nouvelles possibilités pour des environnements de travail plus sûrs et plus efficaces.
Commerce en ligne
L’haptique pourrait aussi transformer notre manière d’appréhender le shopping en ligne. En effet, ressentir la texture des produits avant de les acheter, ça pourrait être pratique.
Outre l’avantage indéniable d’offrir à l’utilisateur une meilleure appréciation des articles avant l’achat, cela permettrait de réduire les taux de retour des produits.
Futur de l’haptique
Outre les percées phénoménales et les nombreuses autres applications possibles de l’haptique, il faut aussi s’intéresser aux défis qu’elle pose.
Éthique de l’haptique
Comme toute technologie avancée, l’haptique soulève des questions éthiques. Les risques de manipulation émotionnelle et de cyberharcèlement sont réels.
Intégrée au métavers, la technologie haptique offrirait aux GAFAM une capacité de collecte d’informations effrayante, et donc des applications potentielles de ciblage très fines.
Quand on pense à Cambridge Analytica, on peut s’inquiéter de comment des informations sur nos mouvements et réactions physiques pourraient être utilisées pour des manipulations encore plus sophistiquées.
C’est pourquoi il est important de mettre en place un cadre législatif pour protéger les utilisateurs.
Dans un récent rapport du CNPEN sur les métavers, l’haptique pose déjà les bases d’une réflexion sérieuse sur la nécessité de poser un cadre règlementaire.
Les données recueillies à l’occasion de ces expériences immersives sont notamment des données physiologiques, d’interaction, cognitives, etc. qui peuvent également renseigner sur l’état émotionnel de la personne, être révélatrices de sa personnalité et de ses valeurs. Elles sont très personnelles, touchent à l’intimité et leur connaissance par un tiers peut être perçue comme invasive. Elles doivent donc être hautement protégées.
Développements de l’haptique
Le futur de l’haptique est prometteur. Imaginons un monde où des entreprises développent des dispositifs haptiques si avancés que l’on pourrait ressentir des sensations de froid, de vent ou de pluie. Ces technologies changeraient radicalement notre manière de percevoir et d’interagir avec le numérique. Nous pourrions vivre des expériences virtuelles aussi réalistes que la vie réelle.
Cela soulève des questions philosophiques : si nos sens sont notre seul lien avec le réel, où se situe la frontière une fois qu’une technologie peut modifier la perception de nos sens ?
Cas d’usage novateurs de l’haptique
Il est toujours difficile d’anticiper les applications possibles d’une nouvelle technologie. Nous pensons avec les technologies que nous connaissons, et anticipons leurs applications en fonction des contextes sociétaux présents.
C’est pourquoi pour terminer cet article, j’aimerais apporter un complément sur les utilisations novatrices que font certaines entreprises de l’haptique. Certaines startups explorent des cas d’usage surprenants qui ouvrent la voie à des applications inédites !
Par exemple, des combinaisons haptiques peuvent donner l’illusion d’avoir un sixième doigt ou une queue de lézard. On peut alors imaginer des expériences virtuelles enrichies. Après Matrix, bienvenue dans Avatar !
Conclusion
L’haptique représente une avancée majeure dans notre interaction avec le numérique. En ajoutant une dimension tactile à nos expériences digitales, cette technologie transforme de nombreux domaines, allant de la médecine à l’industrie, en passant par le commerce en ligne et le métavers.
Cependant, cette révolution technologique s’accompagne de défis éthiques importants. Les questions de protection des données, de manipulation émotionnelle et de cyberharcèlement doivent être sérieusement prises en compte pour garantir un usage bénéfique et sécurisé de l’haptique.
En touchant directement à notre rapport avec le réel, l’haptique ne se contente pas d’améliorer nos interactions numériques ; elle redéfinit notre perception et notre compréhension du monde qui nous entoure.
