Depuis bientôt deux ans, le nouveau protocole Ordinals a permis d’apporter au réseau Bitcoin de nombreuses nouveautés. NFT, finance décentralisée, les applications autrefois réservées aux blockchains comme Ethereum ou Solana sont désormais accessibles sur Bitcoin. Couplée à Ordinals, la théorie de la matière numérique a permis d’ajouter au panel des innovations le projet Bitmap, un métavers décentralisé dont les propriétés reposent sur les données des blocs elles-mêmes. Dans cet article, je vous explique le principe ingénieux du fonctionnement de Bitmap et ses potentiels de développement.
Avec les déboires de Meta, qui a englouti 50 milliards dans le métavers sans retour sur investissement, il est difficile pour certains d’imaginer un avenir florissant à cette technologie. Pourtant, le métavers répond à de nombreux problèmes et trouve des centaines d’applications. Le premier jeu vidéo a été inventé dans les années 1950 (Tennis for two – l’ancêtre de Pong sur oscilloscope) et n’est devenu un marché plus grand que la musique et le cinéma réunis qu’à partir des années 1990-2000.
Comprendre Bitcoin et Ordinals pour découvrir Bitmap
Pour comprendre Bitmap, il faut comprendre le protocole Ordinals et la théorie de la matière numérique. Je vous les explique rapidement ci-dessous en préambule. Il faut bien sûr aussi comprendre Bitcoin.
Le protocole Ordinals : numérotation des satoshis
Le protocole Ordinals repose sur une idée simple : chaque satoshi (ou « sat »), la plus petite unité de Bitcoin, peut être individualisé et transformé en un artefact numérique unique.
Jusqu’à présent, les satoshis étaient interchangeables et anonymes. Ordinals change la donne en introduisant un système de numérotation basé sur l’ordre de minage. Cela permet de suivre chaque satoshi de manière distincte au fil des transactions.
Ce principe permet notamment d’identifier des satoshis plus rares que d’autres, selon leurs caractéristiques de minage ou historiques. Lisez notre article sur les rare sats.
Les inscriptions : transformer un satoshi en artefact numérique
Ce qui rend Ordinals particulièrement innovant, c’est la possibilité d’associer des données à ces satoshis devenus des pièces de collection numériques (images, textes, vidéos ou même fichiers audio).
Cette opération, appelée inscription, permet de transformer un satoshi en NFT (pour simplifier) hébergé directement sur la blockchain Bitcoin. En effet, contrairement aux NFT traditionnels, où les métadonnées sont souvent stockées en dehors de la blockchain, les inscriptions via Ordinals sont enregistrées directement sur la blockchain Bitcoin.
Ordinals a transformé Bitcoin et ouvre de nouvelles opportunités pour les artistes, les collectionneurs et les développeurs. Bien que certains puristes critiquent l’impact d’Ordinals (notamment pour la congestion du réseau qu’il peut provoquer), les possibilités applicatives offertes par ce protocole sont infinies : art, finance, collection, édition, jeux vidéo, métavers.
Théorie de la matière numérique (DMT)
La théorie de la matière numérique (Digital Matter Theory) repose sur une idée simple : les données sont plus qu’une simple suite d’informations abstraites.
La théorie de la matière numérique étend l’utilisation que nous pouvons faire des données en leur attribuant des propriétés physiques dans un environnement numérique. Les données deviennent alors des supports de création, comme une matière première.
Appliquée aux blockchains, cette théorie ouvre la voie à un écosystème d’applications basé sur les informations des blocs.
Grâce à cette théorie, les blockchains deviennent d’immenses registres perpétuellement alimentés en données auxquelles chacun peut attribuer un sens pour créer des applications.
Cela ouvre la porte à une nouvelle façon d’utiliser ces informations, en les transformant en une sorte de « substance numérique » capable de modeler des œuvres artistiques, des systèmes financiers, des environnements virtuels, et d’interagir avec eux.
Cette théorie révèle tout son potentiel avec Bitcoin et le protocole Ordinals.
Désormais, les données sur Bitcoin ne se contentent plus de transférer de la valeur ; elles deviennent elles-mêmes créatrices de valeur.
Cette fusion entre l’univers numérique et le symbole de la matière permet d’imaginer des usages encore inexplorés, et redéfinit ce qu’un réseau comme Bitcoin peut accomplir.
Lire notre article sur les Natcats, le premier projet artistique qui transforme les données de certains blocs en éléments visuels pour créer une collection de NFT.
Maintenant que nous avons posé les bases, explorons comment la combinaison de la matière numérique et du protocole Ordinals a donné naissance à Bitmap : un métavers sur Bitcoin.
Bitmap : le métavers sur Bitcoin
Le projet Bitmap utilise ingénieusement le protocole Ordinals et la théorie de la matière numérique pour créer un métavers décentralisé sur Bitcoin.
Fondations de Bitmap
Bitmap (whitepaper)permet à chacun de transformer un bloc Bitcoin en un actif numérique unique, grâce au procédé d’inscriptions Ordinals que nous avons décrit plus haut.
Concrètement, cela consiste à être le premier à inscrire une chaîne de caractères au format « numérodubloc.bitmap » sur un satoshi. Une fois cette inscription réalisée, le bloc correspondant devient une sorte de terrain numérique.
Il existe à l’heure où j’écris ces lignes plus de 870.000 blocs, tous revendiqués. Mais un nouveau bloc est créé toutes les dix minutes en moyenne. Et il est bien sûr possible d’acheter des blocs sur différentes places de marchés comme MagicEden.
Chaque bloc possède des caractéristiques uniques : numéro du bloc, nombre de transactions, montant des transactions, taille du bloc, montant des frais de transactions, etc.
Certains blocs se distinguent par des conditions de minage (comme le premier bloc suivant un halving par exemple). D’autres se distinguent par leur appartenance à des événements particuliers de l’histoire de Bitcoin (comme les blocs minés par Satoshi Nakamoto).
L’immobilier virtuel sur Bitcoin
Bitmap transforme donc chaque bloc en terrain virtuel et leurs détenteurs en propriétaires de biens immobiliers numériques.
Les données de chaque bloc peuvent ensuite être utilisées par la communauté pour construire des applications.
Bitmap transforme les transactions validées de chaque bloc en parcelles. Les propriétaires peuvent ensuite les mettre à disposition d’autres utilisateurs. Chaque bloc devient ainsi un district unique, divisé en parcelles, à l’image d’un registre foncier digital.
Ce modèle qui hérite de la décentralisation et de la sécurité du réseau Bitcoin encourage les développeurs à bâtir des expériences.
Car Bitmap permet de lier des artefacts numériques, tels que des œuvres d’art, des avatars, ou des expériences de jeu, à des coordonnées spécifiques sur la carte Bitcoin (qui n’est autre que la blockchain Bitcoin et son historique de données immuables).
Jeux vidéo décentralisés
Le modèle Bitmap offre des opportunités inédites de monétisation. Les terrains virtuels peuvent être vendus, loués ou utilisés comme base pour le développement de jeux vidéo décentralisés.
Bitmap inaugure ainsi un nouveau paradigme dans l’écosystème Bitcoin : les blocs ne sont plus simplement des registres de transactions, mais des espaces dynamiques de création. Avec l’adoption croissante, Bitmap pourrait devenir le socle d’un écosystème numérique universel, et ouvrir des horizons inédits pour les développeurs de jeux vidéo.
De nombreuses initiatives, (Bitmap Valley ou Bitmap Game) sont en cours de développement pour le jeu vidéo sur Bitmap.
Valeur immobilière d’un terrain Bitmap
Tous les terrains Bitmap de se valent pas. Comme je vous l’expliquais, certains blocs présentent des particularités.
Voici quelques critères clés à prendre en compte si vous souhaitez investir dans l’immobilier sur Bitcoin :
- Les blocs à petits numéros : Les 1000 premiers blocs, voire les 10000 premiers, sont déjà prisés en raison de leur rareté et du fait qu’ils correspondent aux premiers blocs minés.
- Les numéros mémorables : les blocs ayant des numéros ronds, ou faciles à retenir, comme 150000.bitmap sont très recherchés, à l’image des bonnes adresses dans l’immobilier physique.
- Les numéros palindromes : Les blocs dont le numéro forme un palindrome (par exemple 550055.bitmap) sont assez recherchés pour leur singularité.
- Les blocs historiques : certains blocs sont associés à des événements particuliers de l’histoire de Bitcoin comme les 200 blocs dont sont issus les 10.000 bitcoins utilisés pour payer les deux fameuses pizzas.
- Les blocs spécifiques : certains blocs contiennent des données peu communes comme un nombre très élevé de transactions, un montant de transactions élevé, un poids important, certaines inscriptions…
Mais pour appréhender toutes les subtilités des terrains sur Bitcoin, il faut comprendre la façon dont la théorie de la matière numérique utilise les données des blocs pour structurer les parcelles des terrains.
Représentation visuelle d’un terrain bitmap
Des outils interprètent visuellement les blocs , et permettent une compréhension plus intuitive de leur contenu,
Une vision artistique inspirée par Mondrian
L’un des formats les plus populaires pour visualiser les blocs Bitcoin est le mode créé par @mononautical pour Bitfeed, qui s’inspire des œuvres abstraites de l’artiste Mondrian.
Ce style se caractérise par des carrés colorés de différentes tailles, chaque carré représentant une transaction au sein du bloc. Bien que cette approche soit artistique, elle offre une vue structurée et informative des blocs.
Cette représentation met aussi en évidence certains détails comme la valeur des transactions ou la taille en vbytes. Ces deux méthodes de visualisation permettent de révéler des motifs distincts et parfois intrigants dans la disposition des transactions.
Tailles des carrés : une répartition mathématique
La taille des carrés est déterminée à l’aide d’une formule mathématique basée sur le logarithme décimal. Cela permet de réduire l’écart entre les petites et les grandes transactions,et de créer ainsi une représentation plus harmonieuse.
La correspondance entre la valeur d’une transaction et la taille de son carré est établie par le tableau ci-après :
Valeur de la transaction (BTC) | Taille du carré |
---|---|
0 ~ 0.01 | 1×1 |
0.01 ~ 0.1 | 2×2 |
0.1 ~ 1 | 3×3 |
1 ~ 10 | 4×4 |
10 ~ 100 | 5×5 |
100 ~ 1K | 6×6 |
1K ~ 10K | 7×7 |
10K ~ 100K | 8×8 |
100K ~ 1M | 9×9 |
Les transactions les plus importantes, (de plus de 100K BTC), apparaissent sous forme de carrés 9×9. Les transactions inférieure à 1 million de satoshis sont quant à elles, représentées par des carrés 1×1.
Motifs et rareté visuelle
Les motifs visuels générés par ce processus ne sont pas seulement esthétiques, ils permettent également d’identifier des blocs rares. Par exemple, les blocs contenant une seule transaction, ou certains motifs spécifiques, sont plus recherchés par les collectionneurs.
Il faut néanmoins noter que des blocs visuellement similaires peuvent varier en termes de taille réelle des transactions, d’où l’importance de bien comprendre les nuances de cette représentation.
Bitmons, Bitsouls et Punks
Certains blocs acquièrent une valeur particulière en fonction des patterns qu’ils forment.
Deux catégories se distinguent : les Bitmons et les Bitsouls.
- Bitmons : ces blocs forment des patterns visuels récurrents. Ils représentent environ 10% des blocs.
- Bitsouls : ces blocs sont beaucoup plus rares. Ils sont identifiés par des motifs uniques composés de moins de 10 transactions. Ils représentant moins de 1,05 % des bitmaps existants.
- Punks : ces blocs présentent des patterns qui rappellent les visages des CryptoPunks. Il existe différents patterns de punks, certains sont plus rares que d’autres.
Attrapez-les tous
Une chasse aux patterns existe au sein de la communauté Bitmap. Certains recherchent par exemple le premier bloc à inaugurer un nouveau pattern.
Le site bitlords.land identifie tous les patterns et liste tous les blocs correspondants à chaque pattern.
Bitmap en quelques chiffres
Bitmap c’est :
- plus de 870000 terrains numériques,
- plus de 45000 propriétaires,
- plus de 750 BTC de volume d’échange,
- plus de 45 000 000 $ de capitalisation,
- des terrains vendus plusieurs dizaines de milliers de dollars.
C’est aussi le premier projet à avoir utilisé la théorie de la matière numérique.
Potentiel et perspectives de développement
Bitmap offre un potentiel énorme pour ceux qui cherchent à explorer et capitaliser sur les nouvelles frontières numériques de Bitcoin. Pour atteindre ce potentiel, trois leviers devront être actionnés :
- la légitimité des actifs numériques,
- le développement d’outils dédiés
- et une adoption massive.
Légitimité des actifs : provenance on-chain
Pour comprendre l’importance de la légitimité on-chain, il faut imaginer acheter une maison sans acte de propriété. Actuellement, les parcelles des terrains Bitmap manquent d’un mécanisme de provenance claire.
C’est là qu’intervient le concept des inscriptions parent-enfant. Ce système établit une lignée immuable entre deux inscriptions. Appliqué à Bitmap, ce concept établit un lien inscrit dans la blockchain entre un bloc Bitmap (parent) et ses parcelles (enfants). Cela permet d’authentifier la provenance d’une propriété numérique et de renforcer la confiance des utilisateurs.
Des outils dédiés pour booster l’adoption
Malgré sa simplicité conceptuelle, Bitmap souffre d’un manque d’outils spécifiques pour la gestion des parcelles. Les solutions existantes comme Ordinalsbot restent trop génériques.
Mais des initiatives comme Bitmap420 changent la donne, avec des interfaces intuitives conçues pour structurer et gérer les terrains virtuels. Ces outils, en cours de développement, devront faciliter l’accès à Bitmap et stimuler l’activité des développeurs.
Simplification et adoption de masse
Pour devenir un pilier du métavers Bitcoin, Bitmap doit simplifier l’expérience utilisateur. À terme, Bitmap pourrait s’étendre à des applications dans le monde réel, comme la gestion d’actifs physiques via des registres fonciers on-chain.
Bitmap, vers un métavers décentralisé incontournable
Selon McKinsey, le métavers pourrait générer 5000 milliards de dollars d’ici à 2030.
En captant 1% de ce marché, Bitmap pourrait générer 50 milliards de dollars (ce qui ne semble pas démesuré : la capitalisation de Bitcoin s’approche des 2000 milliards). Avec une capitalisation actuelle à moins de 50 millions de dollars, cela laisse entrevoir le potentiel de croissance du projet Bitmap.
Bitcoin n’est plus simplement une chaîne de blocs qui enregistre des transactions. Grâce à Ordinals et à la théorie de la matière numérique, il devient le socle d’un métavers décentralisé et ouvre la voie à une multitude d’opportunités : jeux décentralisés, monétisation trustless et même applications dans le monde réel.
Plus qu’un simple projet, Bitmap pourrait devenir un pilier incontournable de l’écosystème Bitcoin, un espace où développeurs, artistes et investisseurs se réunissent et repoussent les frontières du Web3.
Cependant, le véritable potentiel de Bitmap réside dans sa capacité à catalyser une nouvelle économie numérique et à démocratiser l’accès à cette technologie.